Lacordaire
et Saint Sever
On
peut se poser brutalement la question, quelle relation a-t-il pu exister en
1858 entre Saint Sever et le grand dominicain Henri Dominique Lacordaire ?
Dans
son ouvrage publié en 1914 à Paris, à la Société des Publications Littéraires « Sur
la Côte d’Argent – Scènes de la vie landaise », Raymond de Laborde répond
à cette question.
Au
milieu du XIXème siècle, l’Ecole Centrale, installée dans l’ancien couvent des
Jacobins, en 1795 avait cédé la place à un lycée municipal qui venait de fermer.
Les magnifiques bâtiments conventuels de la fin du XVIIème siècle commençaient à fortement se délabrer.
Pour
sauver l’enseignement secondaire au Cap de Gascogne, le maire de Saint Sever,
Xavier de Laborde (1) adresse un courrier au père Lacordaire alors directeur du
collège royal de Sorèze (Tarn).
Voici
la réponse négative mais pleine d’enseignement et de civilité qui fit le grand catholique
libéral :
Monsieur
le Maire,
Je
vous remercie de la communication que vous avez bien voulu me faire au sujet du collège communal de la ville de Saint-Sever. Il me
serait très agréable de profiter de vos ouvertures et de rentrer ainsi dans une
maison qui appartenait autrefois aux religieux de mon ordre, par conséquent à
mes ancêtres. Malheureusement, les fondations que nous avons faites et celles qui
nous sont proposées depuis longtemps ne me permettent pas de prendre de
nouveaux engagements.
J'estime
Monsieur le Maire, que la direction des collèges communaux. par les ordres
religieux. serait un immense avantage pour le progrès de 1-éducation dans notre pays et aussi pour les communes qui,
généralement, n'ont que des écoles secondaires mal tenues, incomplètes et où
l'enseignement souffre aussi bien que l'éducation. Mais il faudra du temps pour
en arriver là. La liberté d'enseignement ne date
que de 1850: les ordres religieux, eux-mêmes, se rétablissent à peine dans
notre Patrie. Ils ont beaucoup fait en peu de temps ; le tiers-ordre
enseignant de Saint-Dominique, qui n’a que six années d'existence gouverne
lui-même, en
ce moment, trois collèges de premier ordre. Il faut attendre que le temps, qui consacre
tout, ait mûri la liberté et accru nos progrès. Je ne doute pas qu'un jour, un
grand nombre de collèges communaux n’arrivent aux mains des religieux à la
grande ,satisfaction des communes et des pères de famille. L'université
conservera de grands centres d'instruction, et ce qu'elle aurait de mieux à
faire serait de rétablir en France l'ancien régime des universités, comme il
subsiste encore dans le reste de l'Europe,
en Angleterre et en Allemagne surtout, là où les études sont bien autrement
puissantes que chez nous. Sans le rétablissement des universités avec la
concurrence des écoles libres, il n'y aura jamais, dans notre pays, un sérieux
développement des lettres et de l'intelligence.
Veuillez agréer, mes remerciements de
votre bonne pensée pour nous et les sentiments de haute considération avec
lesquels j'ai' l'honneur d'être,Monsieur
le Maire,
Votre
très humble et très obéissant serviteur,
« Fr.
Henri-Dominique Lacordaire ».
Lors
de son second mandat, Xavier de Laborde réussit à convaincre Victor Duruy alors
ministre de l’Instruction de créer dans l’ancien couvent des Dominicains une
annexe du tout jeune lycée de Mont de Marsan.
Le
ministre en personne vint en 1869 pour inaugurer le lycée annexe. Cette visite
ministérielle fut célébrée en grande pompe dans la sous préfecture.
(1)
Xavier de Laborde avocat, fut un maire favorable à Napoléon III, du 28 août
1852 au 14 août 1859 et du 2 septembre 1865 au 10 septembre 1870. Il quitta sa
fonction de premier magistrat 6 jours après la proclamation de la république à
Paris.
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