mercredi 15 octobre 2008

L : Lacordaire et Saint Sever



Lacordaire et Saint Sever

On peut se poser brutalement la question, quelle relation a-t-il pu exister en 1858 entre Saint Sever et le grand dominicain Henri Dominique Lacordaire ?
Dans son ouvrage publié en 1914 à Paris, à la Société des Publications Littéraires « Sur la Côte d’Argent – Scènes de la vie landaise », Raymond de Laborde répond à cette question.

Au milieu du XIXème siècle, l’Ecole Centrale, installée dans l’ancien couvent des Jacobins, en 1795 avait cédé la place à un lycée municipal qui venait de fermer. Les magnifiques bâtiments conventuels de la fin du  XVIIème siècle commençaient à fortement  se délabrer.

Pour sauver l’enseignement secondaire au Cap de Gascogne, le maire de Saint Sever, Xavier de Laborde (1) adresse un courrier au père Lacordaire alors directeur du collège royal de Sorèze (Tarn).

Voici la réponse négative mais pleine d’enseignement et de civilité qui fit le grand catholique libéral :

Monsieur le Maire,

Je vous remercie de la communication que vous avez bien voulu me faire     au sujet du collège communal de la ville de Saint-Sever. Il me serait très agréable de profiter de vos ouvertures et de rentrer ainsi dans une maison qui appartenait autrefois aux religieux de mon ordre, par conséquent à mes ancêtres. Malheureusement, les fondations que nous avons faites et celles qui nous sont proposées depuis longtemps ne me permettent pas de prendre de nouveaux engagements.

J'estime Monsieur le Maire, que la direction des collèges communaux. par les ordres religieux. serait un immense avantage pour le progrès de 1-éducation dans notre pays et aussi pour les communes qui, généralement, n'ont que des écoles secondaires mal tenues, incomplètes et où l'enseignement souffre aussi bien que l'éducation. Mais il faudra du temps pour en arriver là. La liberté d'enseignement ne date que de 1850: les ordres religieux, eux-mêmes, se rétablissent à peine dans notre Patrie. Ils ont beaucoup fait en peu de temps ; le tiers-ordre enseignant de Saint-Dominique, qui n’a que six années d'existence gouverne lui-même, en ce moment, trois collèges de premier ordre. Il faut attendre que le temps, qui consa­cre tout, ait mûri la liberté et accru nos pro­grès. Je ne doute pas qu'un jour, un grand nombre de collèges communaux n’arrivent aux mains des religieux à la grande ,satisfaction des communes et des pères de famille. L'univer­sité conservera de grands centres d'instruc­tion, et ce qu'elle aurait de mieux à faire se­rait de rétablir en France l'ancien régime des universités, comme il subsiste encore dans le reste de l'Europe, en Angleterre et en Allemagne surtout, là où les études sont bien autrement puissantes que chez nous. Sans le rétablisse­ment des universités avec la concurrence des écoles libres, il n'y aura jamais, dans notre pays, un sérieux développement des lettres et de l'intelligence.
Veuillez agréer, mes remerciements de vo­tre bonne pensée pour nous et les sentiments de haute considération avec lesquels j'ai' l'honneur d'être,Monsieur le Maire,
Votre très humble et très obéissant ser­viteur,
« Fr. Henri-Dominique Lacordaire ».

Lors de son second mandat, Xavier de Laborde réussit à convaincre Victor Duruy alors ministre de l’Instruction de créer dans l’ancien couvent des Dominicains une annexe du tout jeune lycée de Mont de Marsan.

Le ministre en personne vint en 1869 pour inaugurer le lycée annexe. Cette visite ministérielle fut célébrée en grande pompe dans la sous préfecture.

(1) Xavier de Laborde avocat, fut un maire favorable à Napoléon III, du 28 août 1852 au 14 août 1859 et du 2 septembre 1865 au 10 septembre 1870. Il quitta sa fonction de premier magistrat 6 jours après la proclamation de la république à Paris.

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